[Nouvelle] Transmigration

Voici une nouvelle que j'ai écrite il y a environ deux ans. Elle n'est pas vraiment heroic-fantasy mais que voulez-vous, impossible de la classer avec ce petit nombrez de catégories ! On fera avec, pas vrai ?

Je l'ai récupérée d'un autre forum où je l'avais postée, donc il se peut que vous l'ayez déjà vue XD. Je tiens à garder la mise en page, un post par chapitre, alors je remets tout post par post. En espérant que ça vous plaira ^^


- Ne le fais pas, Jior-Pjenk, je t’en conjure. C’est encore trop dangereux.
- Peut-être, mais toi, tu es trop prudent. Vous êtes tous trop prudents. Des décennies de recherches ont été effectuées sur le sujet par des centaines de gens, et encore personne n’a essayé de les mettre en pratique. Je serai le pionnier de la Transmigration. Et on me reconnaîtra en tant que tel.

Jior-Pjenk croisa ses jambes dans l’autre sens et en profita pour poser son verre sur la table basse.

- C’est bien de prendre des précautions, mais on progresse bien plus vite par l’expérience. Je suis déterminé et prêt à me lancer dans cette aventure. Je veux connaître de nouvelles sensations, savoir ce que c’est que d’être vivant. N’est-ce pas une perspective tentante ? Et n’est-elle pas probablement enrichissante ?
- Assurément. Mais as-tu mesuré les risques ? Tu peux te retrouver bloqué entre les deux Mondes, perdre ton Influence ou même créer un Déséquilibre … eh ! Mais qu’est-ce que tu fais ?

Jior-Pjenk s’était levé du fauteuil de cuir et lissait son costume avec ses mains. Il en avait assez entendu. Il menaça l’autre du doigt.

- Tu es comme nous tous : incapable de comprendre la nature des Créatures. Mais surtout, tu n’es pas désireux de la connaître. Eh bien moi, si.

L’autre ne répondit rien. Jior-Pjenk quitta la maison et claqua la porte derrière lui.

La rue était bondée de passants qui déambulaient silencieusement au rythme de leurs pas traînants. Jior-Pjenk songea avec ironie que tous ces gens, bien que maîtres du destin des Créatures, étaient eux aussi dominés par quelque chose.
Il se mit à marcher sur le trottoir, à contre-courant. Des systèmes avaient été adoptés et tout le monde s’y conformait. Il n’y avait néanmoins personne pour empêcher quelqu’un d’ignorer ces systèmes. Et c’était peut-être là le hic : presque aucun interdit, et absolument aucune obligation ; seulement des conseils que vous pouviez ne pas suivre. Si vous faisiez le contraire de ce qui vous avait été recommandé, on considérait que ce choix servirait tôt ou tard l’Équilibre. Et quant à braver les Interdits… C’était trop difficile. Personne n’y était jamais parvenu.
Trop simple, trop vague, trop facile, trop terne. Ainsi était le monde pour Jior-Pjenk. Et les gens suivaient l’unique fil de leur unique existence, qui était pareille pour tout un chacun. Rien ne les touchait.
Il traversa la rue sans regarder. Les voitures s’arrêtèrent de justesse. Mais pas un seul coup de klaxon ne retentit et aucun automobiliste n’ouvrit sa vitre pour vociférer contre lui.
Une brise légère se leva. Jior-Pjenk détacha ses cheveux noirs et jeta l’élastique qui les avait retenus. Il regarda l’élastique disparaître sous les pieds des gens qu’il bousculait en marchant. Personne ne le dévisageait. Pas un seul de tous ces passants n’était irrité par le désordre que Jior-Pjenk provoquait en négligeant la petite et grotesque règle des trottoirs à sens unique.
Il fit demi-tour, revenant dans le troupeau, fit quelques pas et effectua à nouveau un demi-tour, cherchant ainsi à taquiner la curiosité des gens qui semblaient l’accompagner. En se retournant, il fit tomber l’un d’entre eux.
Personne ne dit rien. Celui qu’il avait bousculé se releva et repartit.

- Vous êtes vraiment désespérants, tous autant que vous êtes.

Pas de réponse.

Il décida de se rendre au Centre de Recherches. Il partirait ce soir. C’était bel et bien décidé.

L’endroit possédait toutes les caractéristiques d’un centre de recherches. Les murs étaient immaculés et la lumière était d’une pureté absolue. Tous les employés portaient des blouses ou des combinaisons hermétiques, ainsi que des bottes anti-statiques.
On fit passer Jior-Pjenk dans un sas destiné à aspirer toute la poussière accumulée sur ses vêtements et dans ses cheveux, puis on lui donna une blouse et on le fit asseoir sur l’une des chaises en plastique qui peuplaient seules la salle d’attente en lui disant que le chef de département viendrait le recevoir sous peu. Ce fut le cas et ils passèrent dans le laboratoire.
Il s’agissait plus d’une salle de bureaux que d’un laboratoire. Des dizaines de gens travaillaient sur des documents avec des ordinateurs.

- C’est ça, votre laboratoire ? demanda Jior-Pjenk. Vous ne faites absolument aucune expérimentation ?
- Non, répondit le chef de département. Aucune expérience n’a été faite à partir de la Transmigration. C’est beaucoup trop dangereux. Mais nous avons effectué de nombreuses recherches théoriques et…
- Mais peut-être que tout est faux, alors… Peut-être que vous avez créé toute une théorie sur des bases erronées…

Le chef de département ne répondit rien.

- Il vous faut un cobaye… Quelqu’un qui pourrait faire l’usage de la Transmigration de façon à prouver la réalité et l’efficacité de vos travaux.
- Vous avez raison, mais comme je viens de vous le dire, il serait bien trop dangereux de se lancer dans une telle entreprise. Les statistiques montrent…
- Des statistiques ! dit Jior-Pjenk en levant les yeux au ciel. Écoutez-moi. Je suis venu ici pour faire progresser vos recherches, et cela en les appliquant par l’expérience. Je serai votre cobaye.




--- Je laisse un peu de suspense, je posterai la suite plus tard ^^

Jior-Pjenk était dans une minuscule pièce qui pour toute source de lumière avait une lucarne à la porte. On l’avait assis dans une sorte de fauteuil métallique. Il avait les pieds et les mains attachés au siège, et une calotte en fer reliée à deux fils était sanglée à sa tête. S’il penchait un peu la tête, il pouvait voir sa montre, qui indiquait trois heures neuf. Il transpirait, un peu stressé. L’idée de devenir le premier Transmigrateur de l’Histoire adoucissait ses pensées et le rendait plus serein que jamais intérieurement, mais l’idée de l’échec l’angoissait.
Le chef de département lui parla à travers un micro.

-Attention, je commence le décompte. Cinq.

Jior-Pjenk fit un effort pour se souvenir de tout ce qu’on lui avait dit. Si la Transmigration échouait, on ne connaissait aucun moyen pour aller le chercher. Il serait alors condamné à rester dans le corps d’une Créature jusqu’à sa mort.

-Quatre.

Et l’affaire serait étouffée. Lorsqu’on lui avait dit ça, il s’était remis à hésiter, car il voulait que tout le monde parle de la première réussite en Transmigration ; mais il avait fini par se dire qu’il avait déjà pris sa décision, et il n’était pas venu pour en retirer de la gloire. Sa respiration s’accéléra.

-Trois.

Le chef du département lui avait fait lire une liste des risques théoriquement encourus au cours d’une Transmigration :

CREATION D’UN DESEQUILIBRE DU A UNE DONNEE IRREVERSIBLE. RISQUE : FAIBLE.
MORT ABSOLUE. RISQUE : MOYEN.
PERTE D’INFLUENCE SUITE A UNE IMMERSION TROP IMPORTANTE. RISQUE : MOYEN.

-Deux.

DESTRUCTION DE LA CIBLE IMPLIQUANT UN DESEQUILIBRE. RISQUE : FAIBLE.
IMPOSSIBILITE OU RETARD DE RETOUR. RISQUE : ÉLEVE.
VIOLATION SPATIO-TEMPORELLE DUE A UN IMPROBABLE INTERFERENT. RISQUE : FAIBLE.

-Un.

Jior-Pjenk, essoufflé, sourit. Il savait que ça marcherait.




--- C'est presque fini

Fini !

Elle est pas très longue en fait