Les Dents de la Nuit (Saf' et Waza)

Raphaël ouvrit doucement les yeux. La lumiére tamisée de son plafonnier éclairait d'une lueur jaunâtre le studio parisien qu'il ne connaissait que trop. Son studio exiguë, encombré de mille et une choses sans aucun rapport les unes aux autres pour la plupart, pollué de l'air de Paris XIIIéme, était son foyer depuis quelques années maintenant, assez pour qu'il n'ait pas besoin de bouger pour savoir quelle heure devait indiquer son radio réveil à moitié fracassé par un arrêt un peu violent, un jour... Vingt heures.
Dans ses oreilles filait une musique brutale, Children of Bottom. Raphaël adorait s'endormir avec son lourd casque radio sur les oreilles, branché sur sa chaine hi-fi sans cesse allumée et débitant cd aprés cd des morceaux phares du rock mondial. C'était un homme plein de petits plaisirs de la vie -ou plutôt... de la non-vie.
Le vampire renifla et se dressa doucement, posant son séant sur le bord du lit. Il se gratta l'épaule et se leva enfin, renversant au passage quelques canettes de biére vidées la veille. Il trébucha encore sur quelques bouteilles jonchées sur le sol, au milieu de cadavres de joints consumés.
Il arriva avec peine à sa salle de bain et se regarda dans la glace.
Tête de déterré...
Il se retourna et décida qu'il serait bon de partir en chasse. Il sentait sourdir en lui la soif de la bête qui le dévorait. Il passa une main dans ses cheveux, les lissant presque bien, et se saisit des clés de son appart'. Il était totalement réveillé à présent, et il avait clairement faim. Ca tombait bien : il avait entendu parler la veille d'une boite SM pas loin...

Amalthea se regarda dans le mirroir de sa coiffeuse avec une mine indifferente, puis glissa le rouge a lèvre sur sa bouche, delicatement, elle se regarda a nouveau, toujours aussi indifferente au fait que le mirroir ne la refletait pas. C'était devenu habituel de s'assoir a cet endroit et de se pomponner avant une soirée. Un jeune homme nu passa a coté d'elle, lui embrassa goulument le cou et s'en detourna.

"Tu devrais te depecher mon chou, nous allons rater les meilleures places ..."

Elle se leva, rajusta sa robe en satin, retouchée de dentelle puis enfila son manteau que lui offrit le même jeune homme, a présent habillé.

"Nous pouvons partir ?
- Non, ou sont mes clopes ?
- Ici, ma Mie."

Elle alla chercher le paquet, en placa une a ses lèvres puis l'alluma avec une allumette, tira quelques lattes, atrape le bras de son compagnon et sortit de son appartement.

"Dame, ou allons nous ce soir ?
- J'ai besoin de m'amuser un peu, et je sais ou on va trouver de quoi .."

Elle l'entraina jusque dans la boite SM, les fit rentrer avec quelques sourires et alla s'installer a une banquette innoccupée, un verre d'absynthe en main.

"Dame, puis-je .. ?
- Oui, vas donc t'amuser."

Elle regarda son mignon partir, et c'est avec delice qu'elle commenca a chercher une victime allechante pour ses prochaines heures.

Raphaël arriva à la boite en question aprés avoir garé sa voiture sur la parking reservé. Il entra sans peine, inspirant confiance à tous ceux qu'il rencontrait, videurs compris. Dans la boite, s'animaient des personnages plus bizarres les uns que les autres : des hommes tenus en laisses, à quatre pattes par terre et à moitié nus, côtoyaient des femmes maquillées à la merde fraiche, draguant des gens tout habillés de cuir, armés de fouets ou de martinets. Raphaël frémit. Ces rites étaient vraiment contraires à l'Art que lui connaissait et révérait.
Surmontant son dégoût, il s'avança jusqu'au bar où il demanda une vierge de sang, une boisson dont la composition restait inconnue aux yeux de la plupart des gens. D'ailleurs, peu de personnes souhaitaient réellement savoir ce qu'il y avait dedans... Il sirota son verre tout en faisant un tour rapide du regard de la salle embrumée par les vapeurs délétéres de l'alcool et les fumée diverses et variées qui montaient des alcôves. Il n'eut guére le temps de s'attarder, qu'un homme l'aborda :
Eh bien, mon beau, tu es nouveau ici ? Je t'ai jamais vu.
Tout en disant cela, il tendit à Raphaël un cachet que la vampire ne refusa pas et qu'il prit sans hésiter, avant de répondre :
Oui, un ami m'a parlé de cette boite alors je me disais pourquoi pas ?
L'autre acquiesca.
Je vois. Tendance quoi ?
Raphaël repoussa un petit peu l'effet du taz qui commençait à lui monter au cerveau et répondit :
Disons que je me tâte encore. Sadique modéré, je dirais. Et hétéro.
Son interlocuteur afficha un air déçu.
Oh... Bon. Si tu veux, je connais quelqu'un qui pourrait t'interesser...
Le daeva le coupa :
Je trouverai bien moi même, je préfére.
Et Raphaël se retourna vers la salle. L'autre, comprenant qu'il était congédié, repartit sans un mot, à la recherche d'une nouvelle proie.

Théa rajusta sa chevelure et, d'un regard cynique, elle devisagea l'assemblée, assez amusée de toutes ces bizarreries auquelles s'abandonnaient tous ces humains, toutes ces bizareries qu'elle aurait eu honte alors de faire. C'est a ce moment qu'elle pensa a ses deux filles, et elle se demanda si elle les reconnaitraient, elles qui devaient maintenant etre aussi agée qu'elle lorsqu'elle du les abandonner. Avaient-elles fondé une famille ? avaient-elles été des meilleures mères ? Elle noya ses pensées en terminant son verre d'absynthe. Elle se leva aussitot, passa sa main libre sur son corps, relevant les pans de la robe en satin, et alla poser son verre vide sur le comptoir du bar. Elle leva delicatement l'une de ses jambes, devoilant ses cuisses bien formées et s'installa sur l'un des grands tabourets qui entouraient le bar. Elle demanda un autre verre, tandis que son jeune compagnon ramena une jeune femme toute de blanc vétue, comme sortie d'un mariage. Il prit la parole.

"Ma Dame, voici Tania, aujourd'hui c'est le jour de son mariage, elle s'est enfuis en plein milieu de la cérémonie, prise d'une pulsion de clairvoyance, a-t-elle dit !"
Amalthea glissa sa main d'une manière tres sensuelle sur le visage de la jeune femme, puis la laissa sur son menton, obligeant la dénommée Tania a regarder la vampire dans les yeux.
"Et bien ma chère, vous etes de tres bon gout, mais je ne vous desire pas. Je te laisse la joie de t'en occuper, mon Chou."

Le jeune homme esquissa un grand sourire, entraina la pauvre femme dans une danse folle. Théa ramena son museu sur son verre d'alcool, y trempa ses lèvres, ferma les yeux et se concentra sur le liquide qui lui brulait la gorge.

*Quelle extase ..*

Elle rouvrit les yeux, sentit la soif de sang l'envahir et c'est avec Envie qu'elle scruta chaque visage, puis leur bouche, puis leur cou ... Elle se leva brusquement, laissant son verre sur le comptoir et se laissa entrainer dans la foule, tandis que la musique lui faisait un effet de tambour inscessant dans les oreilles, que les lumières agressaient sa peau, et que le contact humain ravivait toujours plus sa soif de chair, sa soif de sang. Elle s'effondra sur un divan, la bouche maculée de sang, poussant des gemissements de satisfaction.
Elle y resta un bon moment, avant de revenir en titubant a son verre, et c'est a ce moment qu'elle aperçut le jeune homme sombre assis pres d'elle, qui degagait une impression étrange, comme si elle l'avait déja vu quelque part, pourtant certaine que ça n'était pas le cas ...

Raphaël se trouna vers la femme qui venait grossiérement de s'asseoir -ou plutôt de s'affaler- sur le divan à côté de lui. Il gloussa et lui adressa un regard amusé, mais se tut, sans pour autant arrêter de la dévisager. Enfin, aprés quelques minutes, il se pencha sur elle et lui glissa à l'oreille :
Vous voilà dans un bien triste état, mademoiselle...
Il tint la position et réfléchit à ses possibilités : Il avait là une proie toute faite, presque tombée du ciel, pour se nourrir. En même temps, vu l'état dans lequel était cette proie, son sang -qui coulait par ailleurs de sa bouche, hémorragie interne ?- ne devait pas avoir un trés bon goût. Ceci dit, il venait de se faire un petit ecsta et ses dents venaient d'arrêter de grincer, donc il se sentait parfaitement de s'en contenter, quoi qu'il en soi. Il reprit donc :
Peut être devrais-je vous ramener chez vous, pour peu que ce ne soit pas trop loin. Autrement, mon studio peut trés bien accepter un deuxiéme occupant.
Raphaël était un vampire qui ne prenait pas de gants. Agressif, il savait que cette démarche était d'autant plus efficace que l'état de sa victime l'avantageait énormément. Et puis il avait faim. Il aurait été prêt à faire le tour de la boite en demandant à tort et à travers qui voulait coucher avec lui. Facile. Il s'agenouilla et planta son regard dans celui d'Amalthéa. C'est à ce moment là qu'il se rendit compte que c'était également une vampire, mais la bourde était faite...

Théa equartilla les yeux, tandis que le même jeune homme se pencha vers elle et lui glissa des mots agréablement grossiers a ses oreilles. Elle se redressa sur le divan, essuya le sang qui perlait toujours a sa bouche et devisagea Raphaël. Un vampire, un semblable, voila la source de cette sensation. Elle perdit son visage sous l'étonnement, termina son verre et invita le vampire a ses cotés. Elle chercha desesperement son mignon, qui lui serait d'un grand reconfort, seulement ce dernier devait etre en train d'assouvrir ses propres besoins. Elle laissa son regard vagabonder sur Raphaël, ses cheveux bruns, son regard froid, ses vetements, ses gestes, et .. l'odeur de la jeunesse. Elle se demanda s'il avait ressenti cette sensation, lui aussi, et pourquoi avoir réagi ainsi avec elle, peut etre était-ce une façon de l'approcher et d'engager la conversation avec quelqun de la même espèce, chose qui se faisait de plus en plu rare, ou si simplement il n'était, lui aussi, pas habitué a ressentir la presence des Autres. Elle sourit doucement, reprennant les choses en main dans son esprit.

"Oui, j'accepte de vous suivre dans votre studio ...Si vous me promettez un verre d'alcool."

Raphaël sourit et lui fit un clin d'oeil.
... Et même bien plus qu'un verre d'alcool. Vous m'en direz des nouvelles !
Il pensait sortir pour l'occasion sa nouvelle création : alcool de cannabis/absinthe, avec une pointe de vanille et une pincée de cannelle, ainsi que quelques autres ingrédients. Il avait terminé sa préparation la veille, mais n'avait pas eu le temps d'en goûter plus d'une goutte, qui lui avait donné un vaste aperçu de l'alcool ainsi fabriqué. Sentant la faim l'assaillir, il glissa à l'oreille de sa compagne :
Je vais me désaltérer. Attendez moi là...
Il se dirigea vers les toilettes et y entra avec assurance. A l'intérieur, un couple d'homosexuels s'ébattaient violemment, les pieds nus dans une flaque de sang qui devait venir des scarifiacations fraiches de l'un d'eux. Tout à leur affaire, et shoots à mort par dessus cela, ils ne prêtérent aucune attention au nouveau venu, qui guettait le moindre bruit venant des cabines de toilettes. Une chasse d'eau. La seconde d'aprés, Raphaël était sur l'homme qui sortait du petit coin, lui mordant la chair du cou à belles dents, sans même regarder qui il était.
Deux minutes aprés, il rejoignit Théa et lui offrit son bras.
On y va ?