(Bon, il ne s'agit pas d'un poème, ni d'une histoire mais d'un court texte. Comme il est un peu hors catégorie, j'ai décidé de le poster ici, en espérant qu'il y trouve sa place.)
Une feuille d’érable se balançait doucement dans son arbre majestueux, cramponnée fermement à sa branche, puisque son salut en dépendant, menant une existence calme, paisible et sereine. L’arbre élevait fièrement son torse bombé formé d’écorce rugueuse et rigide dans une immense clairière perdue au milieu d’une dense forêt vierge et bordée par une large rivière au paisible courant. Ce jour là, le soleil se levait, comme à son habitude, affublant le ciel de multiples teintes pastel plus magnifiques les unes que les autres. La rosée accumulée sur le sol s’élevait harmonieusement , enveloppant la minuscule clairière d’un voile opaque et frais. Sur la surface de la feuille d’érable, quelques gouttes d’eau se formaient. La lourdeur de ce liquide transparent et pur accumulé provoquait une légère inclinaison de la feuille d’arbre et les gouttes d’eau perlaient silencieusement sur le sol. Les rayons de plus en plus fort de l’astre qui prenait maintenant une couleur jaune paille apportaient avec eux une chaleur grandissante et l’odeur caractéristique d’une vieille forêt tapissée de mousse. La journée s’annonçait magnifique.
Cependant, un peu plus tard lorsque le soleil se trouvait à son plus haut, le vent doux se fit de plus en plus insistant. La petite feuille, du haut du sommet de son érable, se sentit frémir, puis trembler, puis secouer. Qu’importe, elle se savait bien ancrée à sa longue branche. Mais le ciel s’assombrissant rapidement, le vent soufflait toujours plus fort et son doux murmure se transforma rapidement en complainte inquiétante, secouant non-seulement la frêle feuille d’érable, mais son arbre tout entier. la petite feuille d’érable s’accrochait désespérément à sa branche tremblante, mais, secouée de part et d’autre, elle fut arrachée à son arbre et s’éleva haut au dessus des bois, propulsée de part et d’autre par des rafales aux directions opposées.
Chaque seconde contribuait à l’éloigner toujours un peu plus de son arbre, contre son gré, comme si le vent et le temps étaient les sombres complices d’un frauduleux complot. Mais après s’être acharné pendant plusieurs minutes sur elle, le vent consentit enfin à la déposer quelque part. Néanmoins, dans un dernier élan de vengeance, il se refusa à la déposer en sécurité sur le sol dur, mais la jeta plutôt dans la rivière que le vent enlaidissait de vagues écumantes et de remous dangereux. Une autre force de la nature s’acharnait maintenant à éloigner la feuille de son arbre, son seul salut.
L’eau glacée et le courant rapide qui l’entraînaient maintenant furieusement ne la ramèneraient jamais chez elle, elle ne pourrait que dériver infiniment, secouée par les remous jusqu’à ce que le fond du torrent décide de l’avaler ou qu’elle soit transportée jusqu’à la mer. Elle était désormais déracinée de son monde et vide de toute fonction, elle était désormais une feuille morte.